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Xavier PAPAïS

Ancien(ne) Directeur de programme du 01/07/2010  au 30/06/2016

Direction de programme : Magie et sciences humaines

Résumé : Encore de nos jours, maintes notions magiques ou religieuses gardent un pied sur les terres de la raison. Parler de puissance, de sort ou de destin, de liberté ou d’événement, c’est viser l’univers causal et ses fêlures. Des termes aussi obscurs que la foi, l’honneur, l’autorité, la sympathie, la conversion, le sacrifice, tissent les prestiges du monde moral. Nos esthétiques, nos psychologies se passent rarement des antiques notions d’âme, d’image, de charme ou de symbole.
On propose d’explorer les jeux de langage qui les sous-tendent. Sur des exemples tirés des traditions humanistes ou des sciences humaines (clinique, ethnologie, rhétorique), on tentera de préciser les caractères de l’action magique, quand elle tend à unir l’acte et le verbe, la personne et le lien, l’image et la force.
En situation de clivage (personnel, moral, logique, ontologique), la magie opère une suture imaginaire. On voudrait montrer comment les synthèses qu’elle propose (ses tours, ses pratiques, ses symboles) assurent le maintien de la signification et d’une expérience possible au-delà du non-sens : au-delà des impasses de la pensée ou la vie.

On souhaite montrer que ce passage exprime justement le sens de l’au-delà. Comme toute expérience active exige un au-delà d’elle-même. Et que peut-être l’outre-monde de « l’au-delà » n’est rien d’autre l’espace nécessaire de ce passage, de ce courage aussi, et d’une sagesse possible, toujours refusée à la saisie directe.

En accédant aux théories, anciennes ou modernes, de la puissance magique, on portera l’accent sur la notion de vie spirituelle, et sur le sens profond des synthèses animistes. Expression du clivage par excellence, l’animisme articule personnes et pensées à un monde d’intentions qui les double, imposant une communication à plusieurs voix, qui recoupe tout simplement la condition du langage.

Sur ces clivages et ces écarts opère justement le tour magique par où « l’esprit » peut relier ou traverser les voix et les personnes. De là viendrait, en magie, l’emploi d’un régime spécial de signes (charmes, incantations, jets de sorts, idoles ou talismans), qui valent comme des canaux pour capter et transmettre l’esprit.

Comment agir « en esprit » ? On explorera les voies secrètes du symbolisme : sa grammaire (curseurs, ligatures, cristaux de sens), ses exigences (en même temps logiques et vitales) qui, en « liant le sort », imposent l’unité d’un symbole aux errances de la pensée et du sens.

En précisant les modes du pouvoir symbolique, on espère aussi, bien sûr, éclairer les voies symboliques du pouvoir et de l’emprise. En montrant, avec un peu d’espoir, qu’elles peuvent aussi inverser leur fonction, offrant alors aux hommes les moyens concrets d’une liberté et d’une sagesse possibles.