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Ashley THOMPSON

Ancien(ne) Directeur de programme Angleterre  du 01/07/2010  au 30/06/2016

Direction de programme : Au sujet du non-soi

Résumé : Le programme vise à interroger de manière systématique le statut du « sujet » dans le contexte bouddhique, notamment au Cambodge depuis l’adoption du bouddhisme theravada entre les 13e et 15e siècles. On se trouve face à une situation culturelle où le « soi » en tant qu’entité distincte de « l’autre » n’existe pas. L’expérience du non-soi n’impliquerait ni une expérience de l’autre en tant qu’autre vis-à-vis d’un sujet (au sens occidental) classique, ni un « autrement qu’être » au sens Levinasien où le sujet ne se constitue que dans la rencontre avec l’autre. Elle relèverait plutôt d’une expérience du soi (si on peut encore se servir du mot dans ce contexte) en tant que dépossédé de lui-même de manière radicale, un « soi » n’émergeant qu’en tant que site de mise en abîme radicale de toute possibilité de subjectivité.
Les bases du projet seront posées dans un large contexte bouddhique. Privilégiant l’analyse des croisements des points de vue esthétique et politique du « sujet », les recherches s’appuieront sur textes et oeuvres d’art canoniques pour traverser diverses périodes historiques et aires géographiques. Le travail de François Jullien, et notamment son étude du nu entre l’Europe et la Chine, servira de point de repère, là où il distingue entre « Orient » et « Occident » selon une série d’oppositions qui trouvent un écho certain dans notre projet.
Il s’agira ensuite d’examiner de près plusieurs pratiques rituelles khmères qu’on peut mettre en rapport avec la doctrine du non-soi.

Il s’agit tout d’abord d’interroger la possibilité même de ce qu’on appelle la commémoration, dans la mesure où cela suppose qu’on commémore ce qui a trait à quelqu’un, à travers certaines pratiques religieuses fondées dans la doctrine du non-soi. Les « archives » de la vie du Bouddha participent à une opération de mise en abîme où c’est la possibilité (ou l'impossibilité) de commémorer qui est elle-même commémorée.
C’est à partir de ces réflexions que nous rouvrirons le débat sur l’aniconique dans l’histoire de l’art bouddhique, pour ensuite engager une réflexion sur l’État bouddhique. Il faut entendre l’oxymore ou l’antinomie de cette expression. Dans la mesure où il n’est pas sûr qu’un tel État puisse exister, en droit ou en fait, la formulation ne peut se comprendre comme une description ontologique, mais seulement comme un vœux ou un souhait, appelant à un avenir toujours à réaliser. Les recherches nous mèneront à la question des États bouddhiques contemporains qui se mettent en chemin vers la démocratie, et du processus complexe de traduction politique et rhétorique par lequel ceux-ci rattachent leurs origines démocratiques à une religion, si c’en est une, dont les origines se situent en dehors de la tradition européenne.
Un questionnement de la place de la différence sexuelle au sein des formulations – théoriques et pratiques – du non-soi traversera les recherches.