Angelo VANNINI

2022

Directeur de programme du 13/06/2022 au 30/06/2028
Pays : France

Direction de programme : Traduction et injustice épistémique

Résumé : Il y a quelques décennies encore, la conception dominante que l’on avait de la traduction semblait occulter ou vouloir occulter l’acte de traduire lui- même, d’où les efforts de celles et ceux qui, comme Antoine Berman, ont souligné et combattu « l’auto-oblitération de la traduction et du traducteur ». Aujourd’hui, la question qui émerge avec force et en même temps se dérobe, en ce qu’elle est encore à penser, est celle du tort que peut faire la traduction. La traduction d’une œuvre peut produire de l’injustice, voire de la violence, et pas dans un sens métaphorique, pas dans le sens où l’on dit parfois, assez improprement, qu’une traduction peut faire violence au sens ou à la lettre de l’original. L’injustice, et a fortiori la violence, est toujours une injustice ou une violence contre quelqu’un, et non contre quelque chose. La question au cœur de ce projet théorique est alors la suivante : comment la traduction fait-elle du tort à quelqu’un ? Au moins trois niveaux distincts de questionnement sont nécessaires pour articuler cette problématique :
1) À qui la traduction peut-elle faire du tort ? Et qui est responsable du tort produit par la traduction ?
2) À propos de quoi la traduction fait-elle du tort à quelqu’un ? Quelle est ou quelles sont les dimensions de l’existence qui peuvent être mises à mal ?
3) Quelles sont les différentes manières dont la traduction nuit à quelqu’un par rapport à telle ou telle dimension de l’existence ?
Plus précisément, cette direction de programme explorera les manières dont le processus de traduction peut léser quelqu’un en ce qui concerne sa dimension spécifiquement épistémique, c’est-à- dire par rapport à la capacité de l’individu, ou d’un groupe d’individus, à prendre part à la « vie » de la connaissance. Pour ce faire, nous établissons un dialogue conceptuel entre la pensée de la traduction telle qu’elle s’est développée dans les traditions phénoménologique, herméneutique, matérialiste et déconstructive, et les recherches contemporaines d’épistémologie critique et sociale spécialisées dans l’injustice épistémique. Notre objectif sera, d’une part, de formaliser les manières dont l’injustice et l’oppression épistémiques opèrent à différents niveaux du processus de traduction, ainsi que les stratégies pour les contrer, et d’autre part, de mener une critique du paradigme dominant de la traduction, visant à repenser la compréhension et la conceptualisation de cette dernière.

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