Les Pamphlets antisémites de Céline

Pour une analytique de la haine

24-01-2018

Il faut être attentifs aux mots par lesquels Antoine Gallimard annonça à l’AFP qu’il suspendait son projet d’une édition des Pamphlets antisémites de Céline. « Les conditions méthodologiques et mémorielles ne sont pas réunies pour […] envisager sereinement » une publication, dit-il. On s’inclinerait provisoirement, en somme, face à la pression des victimes et de leurs descendants, lesquels, encore pris dans leur traumatisme personnel, feraient, pour le moment écran au tribunal dépassionné de la raison.
L’intérêt d’une telle affaire, c’est qu’elle pose la question des limites d’une édition critique visant à éclairer et contextualiser les textes. Une phrase comme : « ça vient pas tout seul un pogrom ! » (dans Bagatelles pour un massacre) appelle autre chose qu’une recontextualisation : une clinique de la haine et du rejet de l’Autre.
Le pamphlet célinien vise à tuer et faire tuer, mais le but de l’éditeur est avant tout de nous le vendre, et on peut douter que la majorité des sujets soient disposés à le lire de façon critique, tant la haine « décomplexée » vise à procurer une jouissance qui, pour être inavouable, n’en est que plus pernicieuse. Aussi ne s’agit-il pas tant de censurer que de produire une analytique de la haine en nos « sombres temps ».

Gisèle Berkman

Lire l’article de G. Berkman sur cette question dans le journal Libération