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Hugues CHOPLIN

Actuel(le) Directeur de programme du 01/07/2019  au 30/06/2025

Direction de programme : L'énigme d'une condition collective. De la philosophie de la puissance à l'art de l'entre nous.

Résumé : Peut-on établir une condition collective, irréductible à notre condition sociale, humaine ou vitale ?
1. Dynamique d’occupation de type « nuit debout » ou mouvement des « gilets jaunes » : du point de vue de la pensée contemporaine, ces collectifs désignent non plus une entité substantielle (le peuple, le travailleur collectif, etc.) mais bien plutôt des dynamiques d’action ou des mouvements, anonymes et imprévisibles. Aussi nécessaire soit-il, ce travail conceptuel de désubstantialisation du collectif ne conduit-il pas, cependant, à subordonner celui-ci à une puissance de type vital (Deleuze, A. Negri, Simondon), à l’œuvre aussi bien dans le bio-capitalisme contemporain que dans les dynamiques qui entendent le contester ? Nous chercherons à déterminer les ressorts des traditions sociologiques (Tarde, Simmel) et philosophiques (Bergson, Hegel, Spinoza) qui rendent possible – et qui bornent – ainsi aujourd’hui notre manière de penser le collectif.
2. Contester cette subordination du collectif suppose d’établir, en deçà de toute philosophie socio-politique, la dimension singulière de l’entre nous, tel que Blanchot et J.-L. Nancy en ont amorcé la problématisation. L’entre nous désignera ici un mi-lieu collectif, refusant les pouvoirs du social sans pour autant les excéder selon une force humaine ou vitale. Mais, ainsi déprise de toute condition (sociale, humaine ou vitale), cette dimension collective est-elle elle- même en mesure de conditionner ? En particulier, comment pourrait-elle donc encore requérir la pensée ?
Nous entendons méditer la discrétion – plutôt que l’indicibilité – de cet entre nous en la questionnant depuis des pratiques artistiques singulières :
- écritures fragmentaires (Jabès) neutralisant le double jeu des pouvoirs et des forces ;
- écritures et peintures consacrées au quotidien (Pérec, peinture hollandaise du 17ème siècle) en tant qu’il requiert des corps et des espaces qui, déjouant le couple de l’ordinaire (social) et de l’événement (humain ou vital), découvrent, peut-être, la dimension collective du mi-lieu, entre et autour de nous. S’attachant à libérer la question du collectif de son inscription dans le champ socio-politique, cette recherche visera donc également à affranchir les relations philosophie/art du questionnement, post-heideggérien, d’un dehors invisible/indicible : l’enjeu est de les engager bien plutôt à problématiser une dimension collective discrète : le silence – ni dicible, ni indicible – de l’entre nous.