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Marie GIL

Ancien(ne) Directeur de programme du 01/07/2013  au 30/06/2019

Direction de programme : La lettre dans les lettres. Lettrisme et littéralisme dans la pensée littéraire

Résumé : Il existe un courant, minoritaire, presque invisible dans les études littéraires qui cherche à promouvoir la lettre. Cette attention au « littéral » n’est pas réalisée contre le sens, mais avec cette idée que la littérature est un objet linguistique particulier dans lequel le sens est porté par la lettre, indépendamment du contexte – contrairement aux « significations » du texte, qui relèvent du langage ordinaire. Il existe donc un sens caché, plus profond que la signification immédiate, et logé dans la forme même de la lettre. Dans cette perspective le texte est envisagé de manière visuelle et quasi picturale. Il s’agit d’observer la lettre jusqu’à ce que quelque chose apparaisse, comparable à ce que Deleuze a nommé « lignes de fuite ». L’objet de ce projet de recherche, la lettre, qui reste en grande partie à définir, sera envisagée du point de vue d’un littéralisme « absolu » : lire un texte, ce n’est qu’en montrer la lettre – c’est dévoiler son signe caché. Cette idée suppose que tout texte cache le processus même qui le fonde.
Le présent projet a ainsi pour ambition de définir, dans un premier temps, une pratique de lecture, la « lecture littérale », à travers ses différentes formes : le palimpseste ou cryptogramme inconscient, l’anagramme, la poésie concrète involontaire, etc. À partir de ces approches textuelles il s’agira dans un deuxième temps de tenter de définir la lettre, de tenter une « philosophie du littéral », et de s’interroger sur le lien, étrange et profond, entre le « lettrisme » et le « littéralisme ». Un troisième temps du projet, permettant de comprendre ce statut du littéralisme dans les sciences humaines, s’intéressera à une histoire de la lecture littérale, mettant au jour un fil rouge allant de Saussure à Deleuze, passant par Péguy, les Formalistes russes, Lacan, Derrida, Michel Charles et Louis Marin. Enfin, nous essaierons de définir ce littéralisme en tant que « critique », de poser sa méthode et de revenir sur son épistémologie, pour un littéralisme à venir. Cette « critique littérale » est intuitive, elle procède d’un don de vue, et du hasard. Elle est aussi contre-intuitive : elle invente en répétant, exactement comme lorsque l’on a la clef d’un texte chiffré il suffit de le recopier au clair. Le propre de la littérature serait alors de dévoiler sa propre machinerie en la cachant : elle « chiffre » son propre code, elle instaure les règles d’un jeu dont le but est justement de découvrir les règles.