Philippe LACOUR
Ancien(ne) Directeur de programme Brésil du 01/07/2016 au 30/06/2022
Direction de programme : La connaissance clinique
Résumé : Ce programme vise à souligner la valeur et la fécondité de la connaissance clinique, tout particulièrement dans le domaine des sciences de la culture (humaines/sociales). Le terme de « clinique » n’est pas défini en un sens strictement médical mais, de façon plus large, comme connaissance interprétative des singularités. L’investigation s’appuie sur une conception renouvelée de la réflexivité et du symbolique. Elle se situe à l’intersection de la philosophie du langage, de la linguistique et de la théorie de la connaissance, mobilisant des références issues de traditions qui s’ignorent souvent, ou se méconnaissent. Enfin, cette enquête a une vocation internationale, puisqu’elle vise à croiser les regards français et brésiliens sur cette forme de savoir original.
Ce programme d’étude sera déployé selon trois axes. Le premier répond à un souci de délimitation : en convoquant les réflexions adjacentes de l’ethnologie, de l’esthétique, de la technique, de la médecine, de la psychanalyse, du droit, etc., je chercherai à préciser les modalités de la connaissance clinique. S’agit-il d’un simple art, ou peut-on la considérer comme un savoir ? Quels rôles y jouent la comparaison et le contraste, la constitution de cas, l’étude historique ? S’appuie-t-on, les concernant, sur des théories solides ?
Par ailleurs, je chercherai à définir de façon rigoureuse la notion de symbolique, en montrant en quoi il implique nécessairement une interprétation. Je m’inspirerai des travaux de différents auteurs : E. Cassirer, dont la philosophie des formes symboliques nourrit des réflexions contemporaines sur la théorie de la culture ; M. Mauss, qui s’efforce de détacher le symbolisme de la représentation (individuelle comme collective) en l’abordant par la théorie du langage, et qui l’éloigne ainsi d’une analyse strictement causale ; C. Levi-Strauss, qui sépare strictement le symbolique de l’imaginaire et du réel ; C. Castoriadis, qui donne la prééminence à l’imaginaire dans l’institution de formes sociales nouvelles ; Norbert Elias, enfin, dont la théorie des symboles commence tout juste à être reçue en France.
Enfin, je m’efforcerai de montrer que cette dimension interprétative de la sémantique n’est ni illusoire, ni purement psychologique, mais proprement symbolique. Pour cela, j’examinerai la philosophie analytique récente (Brandom, McDowell), qui développe une conception originale de la sémantique, enrichie mais toutefois insuffisante. Celle-ci est novatrice par rapport à celle d’auteurs plus anciens (Quine, Davidson), qui demeurait strictement référentielle. En effet, elle adjoint à cette première caractérisation une considération inférentielle, par la prise en compte des raisonnements induits par un terme. Cependant, référence et inférence ne suffisent pas à épuiser la richesse de la signification, qui comporte également un aspect différentiel, comme y ont insisté, après le structuralisme, des auteurs comme Gilles-Gaston Granger ou Eugenio Coseriu.