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Céline HERVET

Actuel(le) Directeur de programme du 01/07/2019  au 30/06/2025

Direction de programme : Recherches sur le corps politique. Matérialité, esthétique, histoire

Résumé : Cette recherche inscrite dans le champ de la philosophie politique fait fond tout d’abord sur un foisonnement d’écrits relevant des sound studies. Domaine de recherche hybride qui s’est développé au sein de champ d’études interdisciplinaires, mais qui se saisissent des concepts de société, de corps politique, de pouvoir, ces études rejoignent un certain nombre de préoccupations qui parcourent l’histoire de la philosophie depuis l’Antiquité grecque. En effet, la musique et le théâtre en particulier envisagent ce qui fait l’objet propre de la réflexion politique : comment se tisse et se consolide le lien social ? Comment le politique s’inscrit-il dans les corps ? À quoi tiennent et qu’est-ce qui fait tenir ensemble les corps politiques, individuels et collectifs ? Partant des expériences collectives mettant le son au premier plan, notamment la musique lorsqu’elle est pratiquée en commun (en explorant le modèle du choros et sa postérité dans les esthétiques contemporaines et leur dimension politique), il s’agit d’envisager les notions de résonance, de vibration, de polyphonie et de tester leur pertinence dans l’élaboration d’une philosophie politique au fil du corps et du sensible, afin de comprendre comment d’une multiplicité d’individus l’union et l’unité d’un corps social et politique peuvent naître, se perpétuer, mais aussi échouer, et se défaire. Si Aristote évacue hors du champ politique la dimension sonore de l’expression vocale, Rousseau et avant lui Spinoza en fait un critère décisif pour l’équilibre du corps politique, reposant sur la liberté de parole et l’union d’un peuple assemblé. Articulant esthétique, au sens large, et politique en mettant en évidence le rôle des expériences et des pratiques sonores dans les processus de socialisation et de mobilisation politique, nous suivrons cette intuition d’une émancipation possible à travers une double remise en cause : celle de l’individualisme libéral et de la notion d’art pur et désintéressé. Dans le sillage des travaux de Nicole Loraux, Jacques Rancière et ceux de la première École de Francfort, avec en arrière-plan une théorisation fine des affects ancrée dans l’Âge classique, nous chercherons à comprendre les ressorts de l’incorporation, c’est-à-dire doublement de la constitution d’un corps politique, et de l’appartenance des individus à celui-ci depuis une perspective logique et métaphysique non identitaire, seule à même de saisir les dynamiques de résistance toujours à l’œuvre, comprises sous le terme de « réfractaire ». L’élaboration de ce concept conjuguera les approches matérielles, esthétiques, historiques grâce aux apports des sciences sociales et des sciences dures.