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Stéphanie RONCHEWSKI DEGORRE

Actuel(le) Directeur de programme du 01/07/2019  au 30/06/2025

Direction de programme : La mesure de l'agitation

Résumé : La « mesure de l’agitation » interroge sur ce que l’on voit dénoncé comme un « excès d’activité ». Cette hybris peut se présenter sous la forme médicalement reconnue de l’hyperactivité, d’une passion dite « anormale », ou encore d’un mouvement collectif s’opposant à l’ordre. L’opprobre dont est victime l’agitation est-elle légitime ? Sur quels critères définir l’agitation ? Peut-elle faire l’objet d’une mesure au sens d’une évaluation en fonction d’une grandeur quantifiable ? Si l’agitation est reconnue à la fois par le trouble éprouvé et par l’inadaptation à un certain milieu, ne faudrait-il pas parler « d’appréciation » plutôt que de « mesure », comme le suggère Georges Canguilhem au sujet de la maladie dans son livre Le Normal et le Pathologique ?
Quel sens donner à cette volonté de mesurer l’agitation quand elle prend la forme par exemple d’un diagnostic médical ? Dans Dits et Ecrits de 1975, Michel Foucault explique dans son chapitre sur « les anormaux », qu’ils se sont constitués en corrélation avec un « ensemble d’institutions de contrôle », avec « toute une série de mécanismes de surveillance », qui ciblent « l’individu à corriger ».
La « mesure » de l’agitation pourrait donc s’entendre en deux sens : comme une manière d’évaluer et d’identifier un comportement (prendre « la » mesure, mesurer) et mais aussi comme l’effort pour réduire un excès en fonction d’une norme (prendre « une » mesure, sanctionner).
Un projet de recherche sur « la mesure de l’agitation » permettrait d’interroger la distinction entre normal et pathologique en la confrontant à la psychiatrie, à la psychanalyse, à la philosophie de l’éducation, et à la phénoménologie. Sa « prise en charge » par une politique de santé publique questionne la médicalisation de notre société. Les enjeux sont donc aussi bien éthiques que politiques.
Ce projet s’inscrit dans une réflexion de philosophie générale sur la valeur même de l’agitation : besoin de se divertir, excès des passions ou moteur nécessaire ? Mais elle touche directement les problématiques de notre monde contemporain : médication des hyperactifs, prise en charge par l’école inclusive, rapport aux écrans, internement forcé des personnes âgées agitées considérées comme démentes, culte de l’efficacité et de la rapidité y compris en psychothérapie, prise en charge scientifique (notamment par les neurosciences) de la « gestion » de l’éducation...