Résumé : Ce projet propose d’explorer les diverses apparitions des larmes dans la littérature et leurs interprétations. Larmes de peine ou de joie, de fureur, de pitié, de désespoir ; larmes de compassion ou de pénitence, larmes comme signe de bonté, d’humilité, d’authenticité, de sociabilité même ; larmes communicatives, exprimant l’ineffable, dévoilant des secrets, larmes métaphysiques, de rédemption, larmes dérobées, involontaires, publiques ou intimes, larmes symboliques, larmes contagieuses, et la liste est encore longue. En tant que manifestation physique des pensées qui les provoquent ou qu’elles expriment, ces larmes émotionnelles dépendent d’une vision du monde ; elles sont, en ce sens, intrinsèquement philosophiques.

Les implications éthiques et esthétiques des larmes littéraires seront explorées en relation avec les notions de sensibilité, de sympathie, et d’individualité. Le programme reposera sur trois axes qui permettent une liberté de mouvement parmi les époques et les genres : comment lire les larmes, comment parlent les larmes, et comment les larmes font elles lien (les larmes comme médiation entre matérialité et spiritualité, monde fictif et monde réel, relation de soi à soi et avec l’autre).

En me penchant sur les larmes littéraires du XVIIIe siècle à nos jours, j’aborderai des questions telles que la nature de l’émotion fictionnelle (que faisons-nous quand on pleure sur des destinées fictives ?) ; l’évolution d’une « rhétorique » des larmes et la/les conception(s) de l’homme qui en découle(nt) ; la fonction des larmes dans l’œuvre littéraire, leur réception et l’évolution du lecteur sentimental jusqu’à nos jours. Je propose donc une approche interdisciplinaire qui permettra de revoir les textes antérieurs sous une lumière nouvelle et d’identifier les effets de théories nouvelles dans la mise en scène des larmes littéraires contemporaines.

Les lectures des larmes comme matérialisation des sentiments, lien social, mesure de moralité, moyen de manipulation et élément d’intrigue, seront explorées dans le but de voir si elles sont toujours courantes, ou même parfois concurrentes. Ma recherche comprendra aussi un travail qui relie la métaphore littéraire et les larmes comme synecdoque avec une pensée philosophique sur la nature de l’autogénération de l’être, et une analyse sociopoétique consistant à identifier l’inscription du code social des larmes dans les textes en tant qu’éléments dynamiques de la création littéraire.