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Chiara PALERMO

Actuel(le) Directeur de programme du 01/07/2022  au 30/06/2028

Direction de programme : Un soi inachevé. Repenser l'histoire à partir du corps

Résumé : Ce projet vise à étudier le corps, son rôle et sa contribution dans l’élaboration d’une théorie de l’histoire chez Merleau-Ponty et Frantz Fanon. Nous souhaitons par cette recherche, prolonger la pensée de ces auteurs pour confronter leur réflexion à une exigence traversant notre époque : l’idée souvent exprimée de nos jours d’une « fin de l’histoire » désignant la fin d’une conception dynamique de l’histoire perçue comme une progression linéaire vers un futur meilleur que le passé. Ce récit disparaît au plus tard à la fin du XXe siècle, l’époque qui voit également la naissance institutionnelle des théories « postcoloniales ». (H. Rosa, J. Chapoutot : 2003) À partir de cette observation, notre projet interroge la possibilité de formuler aujourd’hui une philosophie de l’histoire par une approche phénoménologique qui étudie l’expressivité du « corps vécu » en s’appuyant sur les analyses proposées par Merleau-Ponty et Fanon. Notre objectif est d’envisager la corporéité comme le clivage d’une conscience individuelle et collective se manifestant dans nos catégories sociales et culturelles. Cela comporte la possibilité de penser le corps et ses implications dans la société. Le corps, étant exemplaire de la plasticité de nos valeurs, contribue à dépasser les limites de notre mémoire individuelle ou générationnelle à l’épreuve des changements qui traversent notre temps : crises migratoires, décroissance économique, urgence environnementale, accélération de nos changements sociaux. Nous souhaitons ainsi nous interroger sur la contribution du corps au renouvellement de notre expérience de l’histoire.
Pour répondre à cette exigence notre recherche s’appuie sur les analyses de Fanon, paradigmatiques de ce défi déjà posé par Merleau- Ponty à la phénoménologie : comment peut-on, à partir d’une phénoménologie du corps vécu, repenser notre expérience de l’histoire personnelle et collective ? Nous verrons ainsi que Fanon fait un usage particulier de la phénoménologie guidé par la nécessité de rendre raison d’expériences vécues du racisme aussi bien pour le Noir que pour l’Arabe, « ce qui l’oblige à une réappropriation ‘hérétique’ » de thèses de Merleau-Ponty (Bentouhami-Molino). Mais ces réappropriations, bien que non situées dans un véritable projet épistémologique, enrichissent en retour la phénoménologie, permettant, chez Fanon, d’aborder avec une méthode phénoménologique l’examen de la couleur de peau et le diagnostic politique relatif au racisme.