Résumé : Ce projet vise à analyser le concept et le fait religieux dans le contexte contemporain. Pour le faire, je propose de prendre en compte les nouvelles définitions du phénomène religieux en philosophie, mais aussi en l'anthropologie et dans les études de media (media studies). Ces recherches récentes, malgré leur importance, ne se suffisent pas pour autant à elles-mêmes. Pour comprendre le fait et le concept du religieux tels qu'ils se présentent aujourd'hui dans leur différentes formes, il faut analyser les traditions théologiques anciennes et médiévales. Et en particulier, c'est l'hypothèse qu'on aimerait soutenir, les discours autour du miracle. La notion de miracle, et les multiples manières dont il été conceptualisé, peuvent nous aider à comprendre deux phénomènes contemporains. Premièrement, le lien structural entre les irruptions de la religion dans l'espace publique mondialisé et les nouvelles technologies de la communication (l'internet, les blogs, la télévision numérique ou par satellite, etc.). Deuxièmement, les rapports de plus en plus complexes entre les événements de la vie quotidienne, - qu'elle soit privée, publique ou politique-, qu'on considère comme purement données, absolument spontanées, « naturels », d'une part, et ceux qui relèvent du domaine de la fabrication, de l'artificiel et du calculé, d'autre part. Ces phénomènes posent des questions à la fois conceptuelles (métaphysiques et ontologiques), pratiques (éthiques, politiques, juridiques), et esthétiques (images et iconographies).
Pour analyser le rapport entre le religieux et le médiatique, le théologique et le technologique, ce projet se propose de prendre comme fil conducteur la question du lien entre les « miracles » et les « effets spéciaux ». Il s'agit de montrer comment ces deux phénomènes se croisent et s'entremêlent pour se demander ensuite dans quelle mesure ils renvoient à ce qu'on appelle, en philosophique, un « événement ». Pour le faire, je souhaite explorer l'idée que, d'une part, toute interprétation phénoménologique des « effets spéciaux » doit se situer dans le contexte de la tradition religieuse, notamment celle des débats autour du miracle et que, d'autre part, «  les miracles » ont toujours été pensés, dans cette même tradition, par rapport à une certaine « mécanicité », « automaticité » ou « technicité », autrement dit, ils ont été pensés comme des effets « médiatiques ». Cette analyse comportera trois axes de réflexion : 1) les théologies anciennes et médiévales du miracle (notamment chez St. Augustin et St. Thomas d'Aquin), 2) les philosophies modernes et contemporaines de l'événement (notamment Donald Davidson, Alain Badiou et JeanLuc Marion), et 3) les théories récentes des effets spéciaux (les automates, le cinéma, les médias, y inclus « les effets politiques », tels qu'ils sont analysés par Jean-Claude Beaune, Jacques Derrida, Lev Manovich, Mark Hansen, entre d'autres).