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Dany-Robert DUFOUR

Ancien(ne) Directeur de programme du 01/07/2004  au 30/06/2010

Direction de programme : Paideia et Post-modernité

Résumé : La profonde crise actuelle de la culture constitue la toile de fond qui justifie l'opportunité de poser à nouveaux frais la question de la paideia.
Si cette question se pose aujourd'hui d'une façon fort aiguë, c'est qu'on ne sait plus prendre en charge la formation des sujets, dans la situation de fin de grands récits sotériologiques où nous nous trouvons. D'où la question de savoir comment se présente aujourd'hui, à l'heure de la post-modernité, la question de la paideia.
Cette question sera abordée à partir de l'examen de la profonde transformation de tous les rapports qui déterminaient, il y a peu de temps encore, le sujet moderne.
Parmi ces rapports, il faut mentionner :
- le rapport nature-culture. La grande anthropologie sera bien évidemment convoquée ici : l'éducation touche de façon cruciale au rapport nature/ culture. C'est parce que les hommes ne sont pas "# tout conduits "# par nature (cf. la "# néoténie "# de l'homme, reprise par Lacan dès le stade du miroir) qu'il leur faut une "#seconde nature"#, c'est-à-dire une culture, rendue présente par des institutions, permettant de suppléer à ce manque natif. Que devient ce rapport aujourd'hui à l'époque post-moderne d'une désinstitutionnalisation généralisée?
- le rapport à soi (de nouvelles formes de subjectivation apparaissent concomitamment à la mutation de la réflexivité moderne en narcissisme post-moderne),
- le rapport à l'autre comme figure de l'altérité intersubjective (avec la mise en question contemporaine des différences sexuelles et générationnelles).
- le rapport à l'Autre, comme figure de l'altérité transcendante (avec l'épisode inouï d'une possible « sortie de la religion »),
- le rapport au transcendantal tel qu'il est établi depuis les Lumières comme rapport à la Raison (avec la désuétude du sujet critique),
- le rapport au politique (avec la mutation de l'État-nation en une simple société civile généralisée),
- le rapport à la langue (avec le passage assez abrupt d'une conception littéraire de la langue, poétiquement hantée par le manque et l'absence mallarméenne, à un pragmatisme techniciste de la nomenclature comme langue pleine et uniquement référentielle),
- le rapport au savoir (avec l'abandon de l'objet au profit des approches pédagogistes, subjectivistes et relativistes et avec le passage des approches propédeutiques et « ascétiques » à des modalités d'accès connexionnistes, communicationnelles et informationnelles),
- le rapport à l'Art (avec le passage d'un travail du beau à une supposée authenticité immédiate de l'expression),
- le rapport à la Loi (avec l'abandon graduel de la lex au profit du décret, du droit au profit de la procédure, du principe au profit de la négociation)...
- enfin, il faudra bien comprendre enfin en quoi toutes ces mutations sont contemporaines du passage du capitalisme industriel à un capitalisme financier et d'une extension sans précédent du modèle de l'échange marchand (soit ce nouvel état du capitalisme qu'on nomme le « néo-libéralisme »).
L'ambition de ce programme est de comprendre comment des mutations concomitantes affectent les grandes économies humaines (économie marchande, économie politique, économie sémiotique, économie psychique et économie symbolique) et modifient radicalement les conditions mêmes de la transmission, de la subjectivation et de la socialisation.