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Frédéric VENGEON

Ancien(ne) Directeur de programme du 01/07/2007  au 30/06/2013

Direction de programme : Philosophie de la machine

Résumé : La machine est un élément essentiel de notre monde contemporain qui n'a pas encore été l'objet d'un traitement philosophique autonome et synthétique. Il s'agira de dégager la notion de machine de son interprétation philosophique dominante, qui la conçoit comme un dispositif de transformation de la nature.
Or, avant d'être assignée à une transformation de la nature, la technique met en oeuvre la puissance productrice par laquelle l'homme construit son propre monde. La machine appartient bien au domaine de la technique et participe à l'artificialité du monde humain.
L'analyse de la notion de machine est donc reconduite vers l'élaboration d'une anthropologie philosophique.
Nous proposons de définir la machine comme la mise en place d'automatismes permettant le déclenchement et la répétition d'opérations déterminées.
Cette définition, qu'il faudra confronter à son objet et aux interprétations traditionnelles, vise à dégager la machine de toute matérialité prédéterminée, pour la comprendre comme un agencement et un séquençage d'actions, dont les applications sont nomades et polymorphes.
De ce fait, son champ d'application est en droit coextensif à celui de l'agir humain.
Cependant, si elle concerne fondamentalement l'agir, elle exige de repenser l'articulation du théorique et du pratique : la machine intervient à la fois dans des réalisations effectives et comme paradigme d'intelligibilité, grâce auquel l'esprit modélise les éléments des complexités à connaître. C'est bien dans cette puissance artificielle, à la racine de la théorie et de la pratique, que nous devons ressaisir les automatismes de la machine.
Nous mènerons donc, en collaboration avec des spécialistes, une série d’études pluridisciplinaires consacrées aux différents champs d'application de la machine. Le fonctionnement des machines concerne donc bien sûr la sphère économique avec la production de marchandises et d'infrastructures (une théorie économique de la machine et des innovations techniques est centrale pour comprendre le dynamisme du capitalisme). Elle concerne encore la sphère des institutions à la fois juridiques et scientifiques avec la mise en place de procédures réglées et impersonnelles qui ont en charge la production de l'objectivité nécessaire pour l'administration de la justice ou la validation collective des preuves ; la sphère de la science proprement dite et des opérations de l'esprit, avec la formalisation du calcul, les dispositifs expérimentaux, les traitement des données et des observations dans des modèles prédictifs ; la sphère bio-médicale avec l'objectivation du corps, l'évolution de l'appareillage prothétique, l'instrumentalisation du vivant ; une théorie de la subjectivité prise dans la tension entre réflexivité et opérativité (avec une théorie des habitudes, la critique deleuzienne de la psychanalyse et une théorie du rituel) ; la sphère esthétique tant au niveau des oeuvres elles mêmes (dans les différents arts) que de leur production et de leur mise en circulation ; la sphère de la cybernétique et du traitement des informations avec ses enjeux cognitifs et socio-politiques.
Ces analyses devront permettre de problématiser l'institution du monde humain.